Ma vision de l’Aïkido interne
Dans la continuité des 2 précédentes invitations, nous auront encore le plaisir cette année d’accueillir au club Philippe Grangé, que je suis depuis près de 15 ans ; c’est lui qui m’a donna© envie de pratiquer d’abord le Taï chi. J’ai aujourd’hui la chance d’avoir trouvé l’Aïki que je veux faire qui puise ses racines dans l’étude actuelle du Da Cheng Chuan et s’épanouit dans le suivi de celle de Philippe.
Continuité également j’ajouterai dans l’enseignement de l’Aïkido qui vous est proposé aux Arts Martiaux du 4ème. Si l’Aïkido est pluriel et varié et les approches peuvent être plus ou moins sportives, plus ou moins spirituelles, plus ou moins conviviales etc… La tendance qui cherche à être développée au club est celle d’un aïkido plus « interne », davantage raccroché à la source et au 2ème kanji (Ki = énergie) du mot AIKIDO. Le travail interne plus énergétique du Ki s’oppose fondamentalement à celui musculaire et externe : des trop gros muscles freinent la dynamique et en fatiguant la rate en médecine chinoise épuise le Qi. Plus qu’une carapace musculaire sur un corps bloqué et raide, il est plus intéressant de rechercher la détente, la mobilité voir la liberté du corps et en définitive la liberté de circulation de ce fameux Ki. Concrètement, le travail est axé sur la détente/relâchement, l’absence de force et de « bras », les notions de connexion et de liaisons, les oppositions réciproques et les 6 directions, l’élasticité plus que la contraction, la légèreté plus que l’ancrage (!), la globalité du corps et pas seulement que les hanches… Cette étude doit s’appuyer d’abord sur celles des Principes avant celle de la Forme seule au sens de catalogue de techniques.
Parce que le travail dynamique et puissant à la limite du sportif, s’il est nécessaire jeune, est appelé inexorablement à décroître par l’usure du temps et/ou des articulations ; « briller ou durer, il faut choisir…! »
Parce que paradoxalement moins on met de force plus on a de puissance, moins on s’oppose et alourdit le partenaire plus on le mobilise facilement, que même pour les mouvements omote il n’est pas nécessaire de passer en force en imposant la technique…
Bref, sans compromettre et renier à la fois l’aspect martial et à la fois la technique et les fondamentaux Aïki (centrage, attitude, déplacements et kihon waza…) l’essentiel est une double liaison résumé dans le 1er kanji : Aï = Harmonie :
– se relier soi même, à travers les 6 harmonies (main/pied, coude/genou et épaule/hanche) + toutes les autres liaisons à développer qui intègrent la nuque, le ventre, le plexus, le dos… La somme de travail est considérable, à un point tel qu’il est sans fin ; car toutes ces liaisons doivent s’intégrer à un tout global et unifié tel les rayons d’une roue à son centre. La force qui arrive dans le poing doit provenir de l’appui au sol et suivre toutes les chaînes articulaires et musculaires, sans cassure ni dilution, du pied jusqu’à la main.
Le but ultime recherché est de bouger « l’intérieur » sans avoir besoin de bouger « l’extérieur », et par les liaisons de pouvoir sortir cette force interne à l’extérieur (fali) …!
– se relier à l’autre, chercher une connexion qui permettra dès les 1er millimètres de mobiliser autant son partenaire que son propre corps. Cette harmonisation naît dans la richesse du contact mais aussi par anticipation dans le ma-aï qui regroupe la distance et le timing. Il se nourrit de l’intention et tempéré par le souci d’intégrité. La difficulté s’accroît encore quand il s’agit de conserver cette relation dans une dynamique de déplacement et changement de directions.
Voila pour paraphraser notre DTR « le cahier des charges » est ambitieux, énorme et exigeant. Mais c’est toute la richesse de l’Aïkido avec cette dimension de voie = Do (3ème kanji) où l’on sait quand on débute le chemin mais ne connaît pas sa fin, celle-ci reculant au fur et mesure de l’avancée. On ne peut malheureusement (ou heureusement?!) apprendre quelque chose de valeur sans cette longueur des années d’apprentissage. C’est un peu le contraire du monde moderne qui va vite et où l’on télécharge la connaissance en quelques clics. Et inversement ce ne sont pas que les années d’entraînement seules qui font la valeur : d’autres paramètres comme l’intensité, la sincérité, la régularité, la recherche et l’envie de progresser, de l’intelligence autant que l’exigence dans la pratique, la non-recherche du confort routinier, la qualité des senseïs et des partenaires, le fait d’enseigner en continuant à pratiquer, une ouverture transversale à d’autres arts martiaux etc… Contribuent encore plus à développer un niveau.
Ceci d’autant plus qu’en Aïkido, encore plus qu’apprendre simplement à se défendre – et j’en ajoute une couche supplémentaire ! – on recherchera une triple progression : élever l’humain et le mental (SHIN) en même temps qu’une progression technique (GI) sans oublier un développement du corps (TAI). On comprendra alors qu’une Vie entière peut être nécessaire pour devenir un Aïkidoka accompli…

Olivier BESSON 4ème dan,
enseignant au Club AM4 à Lyon 4ème.